Mathieu Giroux, co-chercheur autiste et conférencier, a été attiré par la recherche en cherchant à comprendre un écart fondamental entre sa perception de l’autisme et la manière dont l’autisme est défini dans les milieux cliniques et académiques.
« Mon diagnostic d’autisme. Le besoin de comprendre la disparité entre ma perception personnelle et le descriptif médical. »
Cette quête de clarté et de nuance alimente son engagement. Militant de longue date pour les droits des personnes autistes, Mathieu contribue à bâtir des liens durables entre les équipes de recherche et les communautés concernées.
« Pour donner accès à la science — et pour que la science ait accès au vécu. »
Le co-design comme approche de recherche
Pour Mathieu, le co-design est une méthode à part entière, rigoureuse et valable au même titre que les approches qualitative ou quantitative.
« Même si je ne suis pas un chercheur affilié ou un professionnel de la santé, j’ai les mêmes pouvoirs décisionnels, les mêmes responsabilités. C’est vraiment un partage équitable des droits et des rôles. »
Il insiste sur l’importance de poser les bases du travail en amont :
« Il faut vraiment des rencontres préalables pour s’entendre sur c’est quoi les attentes communes, c’est quoi les objectifs communs, c’est quoi les rôles que chacun va faire. »
Mathieu rappelle aussi que l’équité ne veut pas dire uniformité.
« Pas toutes les personnes autistes qui vont faire l’analyse des données ou écrire des demandes de subvention, mais ça ne veut pas dire que leur contribution vaut moins. Peut-être qu’on n’aurait même pas pu faire le projet sans leur rôle dans d’autres étapes comme le recrutement ou la diffusion. »
Dans un projet, par exemple, la participation active de personnes autistes a permis de recruter au-delà du Québec, ce qui a ouvert la porte à une nouvelle question de recherche sur les différences culturelles.
« Sans leur implication, on n’aurait jamais pensé recruter en Europe. On a pu faire une étude sur l’impact de la culture sur la qualité de vie des personnes autistes. »
Mathieu Giroux partage son point de vue sur le co-design en recherche, en soulignant l’importance de la confiance, des objectifs communs et d’une collaboration significative entre les chercheurs et les personnes ayant une expérience vécue. (Production : Noah Leon, Moosefuel Media)
Accéder à des perspectives sous-représentées
Mathieu se décrit avec humour comme ayant un intérêt « restreint » selon certains psychiatres, mais son désir d’explorer des réalités très différentes de la sienne est au cœur de son engagement.
« L’immersion dans des réalités complètement différentes de la mienne, mais qui ont les mêmes désirs et enjeux. »
Pour lui, les personnes concernées peuvent enrichir tous types de recherches, même les plus techniques.
« Je ne suis pas neurologue, et je suis sollicité dans des études en neurologie ou en génétique. Même si je ne maîtrise pas tout, je peux poser des questions utiles, soulever des enjeux, ou expliquer les objectifs à la communauté. »
Il souligne que cette posture de pont — entre chercheurs et publics concernés — est essentielle pour bâtir la confiance, réduire les risques de mauvaise compréhension, et renforcer la portée éthique et sociale des projets.
Dans ce panel du Festival de l’autisme 2024 du RTSA, Mathieu Giroux partage son point de vue, en tant que co-chercheur autiste, sur les complexités de l’inclusion à travers les milieux de vie et d’habitation. S’appuyant sur son expérience personnelle et plusieurs années de collaboration en recherche, Mathieu nous invite à réfléchir à la façon dont certaines initiatives, bien intentionnées, peuvent parfois renforcer l’exclusion. (Production : Marrone Films)
Une vision partagée de la recherche
Mathieu n’avait pas prévu faire carrière en recherche. C’est son militantisme auprès d’Aut’Créatifs qui l’a mené à ses premières collaborations comme co-chercheur et consultant, notamment avec la sociologue Isabelle Courcy et Baudouin Forgeot d’Arc, médecin spécialiste en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
Avec du recul, il voit dans le co-design une méthodologie qui mérite d’être reconnue à sa juste valeur:
« Le co-design ou la recherche participative est une méthodologie comme la méthode qualitative ou quantitative. Ce n’est pas pour tous les projets, mais tous peuvent bénéficier d’une certaine consultation des personnes concernées. »
Et à celles et ceux qui hésitent à l’essayer, il lance cette invitation :
« C’est une expérience à vivre. On ne peut pas savoir si ça nous intéresse ou pas tant qu’on ne l’a pas essayé. Ce n’est ni meilleur ni moins bon que d’autres méthodes, mais ça peut amener des subtilités qu’on n’aurait jamais vues autrement. »
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